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Sauvat

 

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L'église de Sauvat est une petite église romane oubliée, fortement inscrite dans un ensemble régional très typé.

 

 

 

 

 

 

 

La petite église Saint-Martin de Sauvat est le type même de l'église romane oubliée. Le Dictionnaire du Cantal la dit ogivale, sans autres détails ; différents guides touristiques (pas  tous)  la datent  même  du  XVe ; Rochemonteix enfin l'ignore, bien qu'il la fasse figurer sur sa carte dans la catégorie “ moderne ou sans intérêt archéologique ”. Elle n'est pourtant pas moderne, et son intérêt selon nous n'est pas qu'archéologique.

Pour dater l'édifice nous ne disposons que de l'édifice lui-même, ce qui est le lot commun ici. Il est certain cependant que l'église de Sauvat s'inscrit dans le genre de la région, ce qui nous amène au plus tôt au XIe siècle, et au plus tard au XIIe, peut-être XIIIe. Au XVe ou XVIe siècle on ajouta deux chapelles latérales, peut-être en même temps qu'on peignait la fresque du cul-de-four. Les ouvertures de l'abside furent élargies en 1666, à l'exception de la fenêtre axiale. En 1730 les toitures et la voûte de la nef furent refaites, et en 1747 on construisit la sacristie. Enfin, la seconde moitié du XIXe siècle vit la surélévation du clocher-arcade. La découverte de la fresque date de 1977.  

 

 

 

L'intérieur


 

L'ensemble se présente donc comme un vaisseau rectangulaire terminé par une abside en hémicycle et flanqué de deux chapelles qui donnent l'aspect de la croix. On entre à l'ouest par un porche typique de la région, aux flancs ouverts d'une niche sous arcade. Cette disposition se voit aussi à Chastel-Marlhac et Anglards, ainsi qu'à Ydes où les niches toutefois sont doubles. Le porche ici s'ouvre par deux colonnes accolées de chaque côté, aux chapiteaux communs dans le Mauriacois, composés d'arceaux accotés. Une trentaine d'églises de l'arrondissement en possèdent de semblables. Le portail est une belle réalisation romane se rapprochant beaucoup là encore de celui de Chastel-Marlhac  quatre voussures en forme de boudin reposent sur des colonnes de même calibre par l'intermédiaire de petits chapiteaux, taillés dans une pierre plus docile au ciseau et malheureusement abîmés. On reconnaît une belle tête hurlante qui n'est autre qu'un Salguebrou selon le patois local, c'est-à-dire un gardien qui chasse les méchants en criant “ brou... brou! ” (cf. Ydes). Ce procédé magique perdura semble-t-il jusqu'assez tard puisqu'on voit une autre petite tête hurlante au porche de Fontanges, construit en 1468. Entre chaque voussure, dans la partie supé­rieure, on a taillé une rangée de boules, comme à Chastel encore. En façade, surmontant le tout, une classique torsade en archivolte qui sert de larmier, c'est-à-dire évite le ruissellement de l'eau de pluie sur les pierres.  

Le clocher-arcade est refait à partir de la corniche, mais il n'est pas douteux qu'il vint en remplacement d'un autre assez semblable. La nef est couverte d'un lambris depuis une récente restauration. Elle n'a sans doute jamais reçu de voûte en dur, et de nombreux éléments à l'extérieur nous permettent de dire qu'elle a été reprise plusieurs fois. Sans doute même était-elle dès l'origine une construction provisoire en blocage et bois, couverte d'une char­pente et de chaume, car façade, choeur et chevet sont en bel appareil d'époque qui manque ici. Si on soignait particulièrement ces parties extrêmes de l'édifice, le trou était comblé comme on pouvait, dans un but d'économie. Les deux chapelles latérales en avant du choeur sont voûtées en briques depuis le XIXe siècle et les travaux de l'abbé Buc.

Un arc triomphal plein cintre écrasé, en forte saillie, marque l'entrée du choeur. Il est reçu sur deux colonnes à bases et chapiteaux abîmés : restes d'un décor de chevrons sur une base ; à gauche, chapiteau orné de quadrupèdes symétriques, têtes renversées en arrière se mordant la queue (Saignes, Bassignac, Chastel-Marlhac, Antignac...); à droite, deux personnages occupant chacun un angle de la corbeille. Vêtus d'une jupette ils s'enroulent une serviette ou une ceinture autour de la taille. On hésite à expliquer cette figure. Cela ressemble à une séance d'habillage, peut-être en vue d'un office ou d'une danse traditionnelle.

L'abside à son tour est ouverte par un doubleau à double rouleau plein-cintre supporté par deux colonnes engagées à chapiteaux : feuillages à gauche et, à droite, deux griffons (ou hippogriffes) affrontés, têtes collées à l'angle ouest.

 Ils sont curieusement montés sur un entrelacs de deux courbes sinusoïdales et ont avec les griffons de Bassignac plus qu'un air de famille. Ces derniers reposent sur une frise de petites arcades et grignotent une plante à l'angle. Il peut en être de même à Sauvat, où la plante en question se devine plus qu'elle ne se voit, à moins que cette curieuse forme reliant les deux têtes soit une copie ratée de Mozac, où deux bêtes sont attachées entre elles par leurs barbiches. La dernière face de la corbeille, côté abside, a été remplie à Bassignac par un feuillage, et à Sauvat par une sorte de petit cheval qui mord la queue d'un griffon. Cela correspond bien à cette loi de la sculpture romane qui oblige à remplir tout l'espace, même quand il est peu visible, et avec n'importe quel motif. L'artiste ici voulait montrer ses deux griffons, mais il avait trois faces à orner. Le support d'entrelacs et d'arcatures doit aussi servir à cela et offre en outre l'avantage de surélever les parties basses du motif, ici le jeu de jambes des quadrupèdes pour les rendre plus visibles d'en bas. On pourra voir ce procédé à Saignes également. Il reste que le petit animal côté choeur, qui lui-même pose une patte sur un autre animal encore plus petit, mordant la queue du griffon, signale à notre attention une dernière loi tout aussi classique : la loi de contact. Ce n'est pas en effet qu'il y ait un rapport d'ordre symbolique entre les différents éléments; c'est du “ remplissage ”, mais le tout doit constituer une frise suivie, et c'est pourquoi tout se touche.  

Trois fenêtres à large ébrasement intérieur donnent du jour à l'abside. Deux ont été agrandies quand on posa au centre un retable qui alors obstruait la fenêtre axiale, restée intacte avec ses deux colonnettes aux chapiteaux simplement épannelés. Ce retable est parti sans laisser d'adresse, mais à sa place nous avons la fresque du cul-de-four que madame Courtillé date du XVe siècle (Jaleyrac), malgré l'inspiration évidemment romane de l'ensemble. Au centre est le Christ, et autour les quatre évangélistes.  

 

 

 

L'extérieur


 

A l'extérieur le chevet est encore assez typique  deux contreforts encadrent la baie axiale, s'arrêtant sous le départ des modillons. Deux autres contreforts contrebutent le doubleau qui sépare choeur et abside. La corniche est ici comme partout dans la région très saillante. Quelques modillons originaux la soutiennent: c'est d'abord un motif à peu près indéchiffrable (tête d'éléphant?), puis un mangeur de pain composé d'un buste d'où partent deux petits bras rudimentaires tenant une galette timbrée d'une croix. Une tête un peu simiesque y croque goulûment. Nous nous sommes amuses en introduction à montrer plusieurs hypothèses explicatives. Certes le pain a tout de l'hostie, mais pourquoi alors pour le personnage cette allure caricaturale et même bestiale? Le motif en tout cas a plu à quelqu'un car on lui trouve deux frères jumeaux, l'un à la chapelle de Saignes, l'autre au Vignonet. Il y a encore un buste d'homme, en fait un cou démesuré s'achevant par une face grotesque tirant la langue. Même sujet à Saignes. On a cru lire ici un symbole de la Chute, ou encore une représentation de la parole, et c'est un fait que les tireurs de langues abondent franchement dans la sculpture romane. Code ou simple facétie?  

Le modillon suivant est très intéressant : deux têtes semblables sont opposées verticalement et se tirent la langue (à moins qu'il ne s'agisse de barbiches). C'est un motif unique à notre connaissance. Partout ailleurs les têtes sont doublées horizontalement, comme à Vebret ou Anglards. Cela souligne chez le sculpteur une volonté d'étonner qui surclasse à l'évidence tout souci technique. Le ciseau n'est pas habile, mais il se veut original. Exemple de cette sculpture populaire qui s'élève à l'art par l'imagination et la truculen­ce plutôt que par la perfection technique.  

 

 

 

Conclusion


 

En résumé, on peut dire que l'église de Sauvat est fortement inscrite dans un ensemble régional très typé, tant au plan de la sculpture que de l'architecture. Cela se voit dans la décoration des bases, particularité locale (Saignes, Chastel-Marlhac, Anglards, Ally, Brageac, Mauriac, etc.); cela se voit aussi dans l'usage de ce chapiteau spécial à la région et qu'on nomme avec justesse “ chapiteau Mauriacois ” (le terme "cubique", quelquefois utilisé, est impropre), qu'on retrouve certes à Beaulieu en Limousin, et à Liginiac en Corrèze, tout près de notre frontière, mais qui est loin là-bas d'être systématique comme ici. Cela se voit enfin dans les chapiteaux animés, notamment celui des quadrupèdes affrontés se mordant la queue, très commun, et dans l'originalité des modillons soutenant une corniche très saillante. L'église de Sauvat est donc typiquement mauriacoise. Des rapprochements plus précis on l'a vu peuvent être faits avec Bassignac tout proche et Chastel-Marlhac.

Tout cela je crois devrait inciter les amis de l'art roman à visiter Saint-Martin de Sauvat plus souvent.Il faut signaler pour finir l'existence d'une cuve baptismale, actuellement conservée au cimetière où elle sert de base à une croix. C'est un objet indatable, produit d'un art paysan assez rude. Sept motifs décorent les huit parois (l'un a disparu) : croix, fleurs, cercles, et surtout feuillages très simples. Des feuilles parfois montantes, parfois descendantes, partent des tiges.

 

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