Le département actuel du Cantal recouvre presque exactement l'ancienne
division administrative. Il existait, avant le découpage révolutionnaire
de 1790, une Basse-Auvergne, le Puy-de-Dôme actuel, et une Haute-Auvergne, le
Cantal. La distinction est ancienne, puisqu'on sait qu'en 972 l’évêque d’Auvergne désigne Aurillac comme
seconde capitale de son diocèse, après Clermont, consacrant ainsi la
division entre "haut" et "bas" pays.
Le vocable Cantal correspond bien au département, effectivement organisé
autour du volcan central. Un certain nombre de paroisses de Basse-Auvergne, en
Artense et Cézallier, passèrent au département du Cantal qui en tant que
Haute-Auvergne s'arrêtait alors à la Rhue. L'actuel canton de Champs (églises
de Lanobre, Beaulieu, Marchal) en était donc exclu.
Les
"deux Cantal"
En 1317 on créa l'évêché de Saint-Flour
par démembrement de l'évêché
de Clermont lequel, avant cette date, couvrait en entier Haute et Basse
Auvergne, ainsi qu'une partie de l'actuelle Haute-Loire, l'arrondissement de
Brioude. Les régions d'Aurillac, de Murat et de Saint-Flour furent alors accordées
au nouveau diocèse, avec Brioude, Blesle et Langeac, mais l'archiprêtré de
Mauriac fut maintenu sous la dépendance de
Clermont, sans doute en raison des possessions que l'évêque de Clermont y
avait. Ce n'est qu'à la Révolution qu'on rattacha le Mauriacois à Saint-Flour
selon la logique départementale. Mais de même qu'il y a au moins deux Puy-de-Dôme,
la partie montagneuse
et les
grandes Limagnes, il y a au moins deux Cantal, ce qui a pu induire des
différences architecturales notables malgré l'apparente uniformité rustique
des églises du Cantal.
L'hydrographie et l'orographie de la Haute-Auvergne en effet dessinent
des régions distinctes.
Au centre le volcan, le plus grand d'Europe dit-on, d'où rayonnent des
vallées étroites et des plateaux élevés. Les passages des uns aux autres
sont encore aujourd'hui bien rares et difficiles.
Le Sanflorain se trouve ainsi coupé d'une part de la
région de Mauriac,
d'autre part d'Aurillac, par une véritable muraille
naturelle.
C'est sur cette muraille que les périodes d'enneigement sont les plus
longues et la neige plus drue, glacée par l'écir.
L'étude des patois ne fait que confirmer ce qui précède. l'Auvergnat
que l'on parle d'un côté et de l'autre n'est pas exactement le même, nous
disent les spécialistes, et il est encore différent entre Mauriac et Aurillac,
cette dernière désormais résolument tournée vers le Sud. Entre ces deux
arrondissements un faisceau de gorges formé par la Maronne et la Bertrande a
joué un rôle de frontière naturelle.
Mêmes remarques concernant les
styles architecturaux de l'habitat
paysan, dont l'origine doit sans doute être cherchée assez loin dans le passé.
La forme des toits, les modes de couvertures, l'agencement des divers bâtiments
de ferme, tout cela désigne des sphères d'influence variées. Ajoutons que les cantaliens eux-mêmes sont loin aujourd'hui encore
d'ignorer ces coupures, malgré l'amélioration et la multiplication des
routes, les chemins de fer, le percement des tunnels, et si tout le monde se
dit auvergnat, on ne doit pas appartenir à la même Auvergne. Ceci explique en
partie la réclamation que firent des citoyens de Saint-Flour en 1793, demandant
qu'on fasse du Cantal deux départements distincts, l'un comprenant Mauriac et
Aurillac, en rognant sur la Corrèze et le Lot, l'autre avec Saint-Flour, Murat,
Brioude et Saint-Chély .
Bref, il semble plausible que de telles différences dues tant à la géographie
qu'à l'histoire aient provoqué des variations architecturales sensibles. Le
Sud-Est du département, par exemple, relève visiblement du Gévaudan (dont on
a montré qu'il constitue une famille architecturale). Le Nord-Ouest, quant à
lui, a reçu l'influence du Limousin limitrophe.
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