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L'architecture en Mauriacois

 

 

Roc Vignonnet

 

 

 

 

 

 

 

Les plans et les voûtes    


 

 

Il faut distinguer entre les édifices à collatéraux (Trizac, Riorn, Menet, Brageac, Mauriac, Lanobre, Anglards) et les édifices à nef unique (tous les autres, la majorité).

Pour les édifices à collatéraux nous aurons toujours, sauf à Mauriac, une nef médiane aveugle éclairée par les ouvertures des bas-côtés. C'est un point commun avec les églises dites “ majeures ” de Basse-Auvergne, mais pour des raisons différentes. En Basse­-Auvergne, les bas-côtés contrebutent très haut la voûte centrale, au niveau des voûtes en quart de cercle des tribunes. Mais en Haute-Auvergne il n'y a jamais de tribunes, c'est-à-dire que les collatéraux n'ont pas d'étages. La voûte médiane ne peut donc s'élever considérablement et il devient nécessaire de la conforter par des arcs doubleaux, absents des voûtes clermontoises qui sont à berceau lisse.

Ces arcs doubleaux sont le plus souvent brisés (Trizac, Riom, Mauriac, Anglards, Brageac), mais à Menet et Lanobre ils sont plein cintre.

La voûte centrale est contrebutée par les bas-côtés. A Mauriac et Brageac seulement ceux-ci sont voûtés d'arêtes, ce qui renforce l'hypothèse d'une origine commune. Partout ailleurs ils sont voûtés en quart de cercle, fractionnés par des doubleaux brisés. Dans ce cas on observe une maçonnerie, surmontant le doubleau, qui rachète la différence entre les deux courbes. En Basse-Auvergne, le premier étage des collatéraux est voûté d'arête, et l'étage des tribunes est voûté en quart de cercle.

La croisée du transept est surmontée d'une coupole contrebutée par les voûtes en berceau des bras, perpendiculaires à la nef. Cette coupole est toujours montée sur trompes, sauf à Anglards où elle est sur pendentifs, deux systèmes astucieux qui permettent le passage du carré à l'octogone. Les grands arcs de la croisée sont surmontés d'un mur en lourde maçonnerie qui les rattache à la voûte, mais ce ne sont pas à proprement parler des arcs diaphragmes comme en Basse-Auvergne, où ils sont typiques. En effet, contrairement à ceux-là qui sont percés d'ouvertures, ces maçonneries  de  Haute-Auvergne  sont aveugles. On verra ce procédé à Riom, Trizac, Anglards, Menet, et aussi à Allanche et Roffiac. Le motif devait être de résister à la poussée du clocher monté au-dessus, ou encore d'assurer la solidité et l'écartement des murs latéraux (étrésillonnage), ou bien, de façon peut-être complémentaire, de donner l'illusion d'une plus grande élévation de la coupole. Sur le plan strictement esthétique la réussite est manifeste.

Tous ces doubleaux sont portés partout par de solides piliers carrés flanqués sur leurs quatre faces de colonnes engagées. A Riom seulement (signe d'archaïsme?) nous avons de gros piliers nus, sans colonnes.

Les églises à une seule nef sont évidemment de plan plus simple : vaisseau barlong (c'est-à-dire plus long que large, ou plus large que long, comme on voudra) terminé par une abside éventuellement précédée d'une travée de choeur. Toutes les voûtes sont en berceau, le plus souvent fractionné par des doubleaux, parfois brisés (Vebret, Moussages). Un arc triomphal généralement saillant vient séparer la nef du choeur, orientant le regard vers le sanctuaire.

Pas de coupole, exception faite de Jaleyrac, alors que la présence de ces coupoles dans les édifices à simple nef est plus fréquente dans les autres arrondissements (Saint-Saturnin; Auriac, où elle est sur pen­dentif; saint-Poncy; Roffiac...).  

 

 

 

 

Les absides et les chevets


 Cette partie de l'édifice, qui le termine à l'Est selon l'orientation classique, nous permet de mesurer une grande diversité de construction dans l'ensemble du Cantal et dans le Mauriacois. C'est là une partie spéciale de l'église qui, à l'extérieur, forme le chevet. Ce chevet est toujours l'élément le plus travaillé, avec les portails, et sans doute était-il construit en premier. Il est possible même qu'un certain nombre d'édifices se soient résumés au principe à une abside et un choeur, le reste n'étant pas alors bâti en dur. Si donc il existait une "école", un "style" de construction traditionnel et partout connu dans les limites régionales, il semble qu'on devrait là en trouver la trace. Comme on va le voir ce n'est pas exactement le cas.

Nous avons, à Chaussenac, Vebret et Saint-Rémy, des chevets droits. Rochemonteix  les  attribue  systématiquement  au Limousin, ce qui nous semble excessif. Le chevet droit se trouve partout où l'on voit des églises romanes, et c'est tout naturel car le mur droit est évidemment le plus simple à bâtir, et le plus spontané quand il s'agit d'enfermer un espace quelconque. Si l'on trouve aussi et ici, surtout, des chevets en hémicycle, il semble qu'il faille l'attribuer au symbolisme de la croix, l'hémicycle représentant alors la tête du Christ, mais droit ou circulaire, ces chevets n'appartiennent à aucune école en particulier. A cela on peut ajouter le fait que le modèle du mur droit au chevet fut largement utilisé par les Templiers dans toutes leurs constructions  à  travers  l'Europe,  sans d'ailleurs qu'il devienne la règle unique (à Ydes, édifice incontestablement Templier, et tout près du Limousin, nous avons précisément un chevet circulaire).

Un peu partout domine cependant l'abside circulaire sur ses deux faces (Brageac, Saignes, Mauriac, Sauvat, Vendes, Saint-­Hippolyte, etc.).

Toutefois nous aurons, à Meallet, une abside pentagonale sur ses deux faces. A Lanobre et Menet l'abside principale est, à l'extérieur, un heptagone peu sensible sans contreforts de soutien, tandis qu'à Saint-­Vincent l'abside est pentagonale à l'intérieur, heptagonale à l'extérieur.

Concernant les églises à trois nefs nous avons, a Brageac, Mauriac, Anglards (comme à Allanche, Cheylade, Dienne) des collatéraux terminés par des absidioles circulaires sur leurs deux faces. Mais à Menet et Trizac, ils s'achèvent par des murs droits. A Lanobre, les absidioles sont circulaires à l'intérieur, carrées à l'extérieur. Nous aurons même à Bredons, près de Murat, mais c'est un cas unique, un simple mur droit qui clôt nef et collatéraux.

Une place à part doit être réservée à quelques édifices à l'Est du département où l'on peut lire, dans la forme particulière de l'abside, l'influence du Velay tout proche. A Roffiac, Andelat, Saint-Saturnin et Sainte­Anastasie, nous trouvons des chevets pentagonaux percés à l'intérieur d'absidioles semi­circulaires, taillées dans l'épaisseur du mur (cinq pour Roffiac et Saint-Saturnin, trois pour Andelat et Sainte-Anastasie). Saint­Saturnin, dans l'arrondissement de Murat, était à la nomination du prieur de La Voute. On trouve des plans semblables à Auzon, qui relevait  de  la  Chaise-Dieu,  Beaulieu, Rosières, Mailhat en Puy-de-Dôme, mais dans les parages du Velay, à la chapelle ruinée de Polignac et ailleurs, c'est-à-dire en Velay ou dans sa proche banlieue. Cela prouve encore la coupure entre les deux (ou trois) Cantal, puisqu'en Mauriacois et Aurillacois ce plan particulier est totalement absent.

Pour le reste, quand les chevets sont circulaires, nous les verrons souvent découpés en trois panneaux par des colonnes-contreforts dont le chapiteau soutient la corniche, ou par de simples pilastres taillés en biseau au sommet ou qui s'élèvent jusqu'au toit. Parfois un pilastre axial s'arrête sous la baie (Ally, S-­Martin-Cantalès, Brageac, Chalvignac). C'est une particularité que nous ne savons à quoi attribuer.

Toutefois nous aurons une spécialité plus intéressante dans l'archiprêtré de Mauriac, qu'on ne retrouve pas ailleurs sans qu'elle soit, ici, une règle absolue : les colonnes-contreforts engagées au chevet, et pas seulement des pilastres à section rectangulaire, lequel chevet s'orne d'un cordon de billettes ou plus souvent d'une torsade pour à peu près toutes les églises. Ce motif ornemental risque bien d'apparaître comme l'une des principales originalités du Mauriacois par rapport au reste du Cantal. Autre particularité de ces chevets mauriacois, la forte saillie des corniches nécessitée par la pose de modillons presque toujours de bonne taille. Ce dernier élément est très typé partout on trouvera ce même goût pour la décoration extérieure des absides, où il paraît presque qu'une seule main ait travaillé tant l'inspiration est commune. Le reste du département n'offre rien de comparable sur ce point.  

 

 

 

 

Façades, portes et porches  


 

Les façades ne sont pas décorées, et c'est une autre ressemblance avec la Basse-Auvergne. Peut-être faut-il mettre ce choix sur le compte du climat et des vents qui poussent la pluie surtout d'Est en Ouest, à moins qu'il ne s'agisse d'une question d'économie. Quand la porte s'ouvre à l'occident, c'est celle-ci qui sert d'ornement; elle est parfois surmontée d'une baie ou d'un oculus, puis d'un clocher-arcade ou à peigne.

Là encore une différence essentielle : dans les arrondissements de Murat et de Saint-Flour, les portes ouvrent au midi. De même dans un certain nombre d'édifices de la région d'Aurillac (Lascelle, Reilhac, Laroquevieille, Jou-Sous-Monjou, Girgols, Raulhac...), et c'est un cas presque systématique en Lozère également. Mais dans l'arrondissement de Mauriac, sauf à Méallet et Saint-Rémy, la porte ouvre à l'occident. Une telle différence de structure ne peut être fortuite.

Les portails sont de types très variés. Pour le Mauriacois on distingue différentes séries à Sauvat, Chastel-Marlhac, Anglards, les voussures sont garnies de perles au bout d'un porche décoré d'arcades latérales, comme àYdes. Le portail de Sérandon, en Corrèze, se rattache à ce type. A Mauriac, Saignes, Jaleyrac, une arcature centrale est accotée de deux autres arcatures ou semi-arcades de chaque côté qui, à Saignes et Jaleyrac, donnent l'illusion de la triplicité des nefs. Simple décor ou allégorie de la sainte Trinité? En tout cas voilà qui met à mal l'idée souvent reprise d'une franchise romane où, dit-on, l'extérieur est toujours le fidèle représentant de l'intérieur. Même remarque concernant tous ces chevets polygonaux ou carrés enfermant une abside circulaire, voire percée d'absidioles absolument invisibles à l'extérieur.

Souvent les portails sont simplement ornés de boudins retombant sur des colonnes à chapiteaux (Sauvat, Méallet, chapelle de Saignes, Vebret...), mais, cas fréquent également, on entre par un portail gothique d'un style assez semblable partout (St-Paul, Apchon, Colandres, Veyrières, Bassignac), portails qui sont soit des reconstructions au goût du jour, soit des constructions, l'édifice primitif étant alors réduit à un plus simple développement.

L'absence presque absolue de tympan décoré (mais à Mauriac le tympan relève d'un travail et d'une inspiration d'étranger) est un signe supplémentaire de ruralité et de pauvreté de moyens.

Quant aux porches qui parfois précèdent le portail, ils peuvent servir de rez-de-chaussée au clocher ou ne font que poursuivre le portail en lui donnant une profondeur. Quelquefois, comme à Saint-vincent, ils semblent ajoutés bien après-coup, ou reconstruits, et ne s'inscrivent pas dans un plan d'ensemble.

    L'utilité de ces porches, quand ils ont quelque importance, est évidente : on y disposait des bancs, dont quelques-uns subsistent, de sorte qu'on pouvait y traiter des affaires après l'office. Dans le Bourbonnais on les nomme "caquetoirs". Les gens en effet, à cause des distances les séparant, du relief accidenté, ne pouvaient espérer se rencontrer souvent. Il fallait une ''maison commune ou discuter, passer des contrats, éventuellement rendre la justice" comme semblent l'indiquer les deux lions à l'entrée de Mauriac (Domino abbate sedente inter leones, disent d'anciennes chartes).

Profane et sacré se répondaient donc ici. On sait qu'à l'époque carolingienne on rendait souvent la justice dans l’église. Le principe perdura. Ainsi le caractère sacré de l'édifice rejaillit sur la justice qu'on y rend, et même tout acte d'échange, de vente ou autre acte notarié. Les chapiteaux où il est question de jugement, à Lanobre par exemple, mais surtout à Riom, font peut-être référence à cet usage. En 1256 à Saint-Christophe, canton de Pleaux, Rigal de Veilhan acheta un pré en présence de témoins. Cette transaction se fit, dit le texte, dans l'église. Enfin le porche sert aussi aux mariages, qui se font in facie ecclesiae. C'est avec le nouveau rituel du mariage de 1614 que la cérémonie devra se faire obligatoirement à l'intérieur, face à l'autel.

C'est donc à tout cela que servaient essentiellement les porches de nos églises. Quand ils manquent aujourd'hui il est possible qu'ils aient existé à l'époque. A Vebret par exemple, on a sur la façade, au-dessus de la porte, trois corbeaux disposés en une certaine façon, qui devaient servir à supporter une structure en bois amovible faisant porche, et de même à Saignes et Lanobre. Le porche actuel de Saint-Martin­Cantalès donne une idée assez précise de ces éléments légers dont beaucoup ont disparu.

   Le plus connu de ces porches, en raison de ses sculptures, est celui d'Ydes. Il se rattache à ceux de Sérandon tout près, Beaulieu-sur­Dordogne et Lagraulière, en Limousin.  

 

 

 

   

Les clochers


 

 C'est un fait bien connu que les clochers des églises romanes sont rarement d'époque romane, encore qu'il soit souvent bien difficile d'apporter une datation car les anciens et les nouveaux devaient sans doute, dans grand nombre de cas, être exactement semblables. Le temps partout a fait son œuvre, à quoi il faut ajouter l'action destructive des vandales révolutionnaires.

Les clochers de Haute-Auvergne sont toujours d'une grande simplicité, à l'image du reste de l'édifice. Ils sont soit posés sur l'arc triomphal, soit au-dessus de la coupole, soit en façade, sans préjudice de variantes diverses. On en trouve des carrés, des octogonaux, des carrés à la base et octogonaux plus haut (Fontanges), des barlongs et d'autres, assez nombreux, qui sont de simples murs prolongeant le pignon de façade, ajourés de baies dans lesquelles on voit les cloches. Enfin un type spécial est celui du clocher à peigne.

Le plus orné est celui de Mauriac, octogonal à deux étages. Mais il date du dix-neuvième et s'inspire visiblement des clochers de Basse-Auvergne (ceux de Saint-Saturnin et d'Orcival résistèrent aux sévices des égalitaires et servirent de modèles). Celui de Menet est le seul exemple de tour lanterne (c'est-à-dire qui donne du jour) du Cantal.

Les plus typiques sont ces fameux clochers à peigne, ainsi nommés parce qu'ils affectent la forme d'un peigne qui aurait perdu nombre de dents. Là, une distinction s’impose : le véritable clocher à peigne prend l'allure d'un rectangle largement ajouré. C'est une variante d'un autre type également commun  le clocher-arcade en forme de triangle tronqué (Sauvat, Vebret, Ydes, Vendes, Salins), qu'on nomme aussi clocher-mur ou clocher-pignon. Certains d'ailleurs ne sont que des clochetons. Alors que le clocher à peigne est dominant ailleurs, sa présence est équilibrée dans le Mauriacois où aussi souvent, voire plus, nous trouverons des clochers-tours ou barlongs.

Clochers-peignes et clochers-arcades trouvent leur origine dans un problème d'économie: ce sont tout simplement les moins chers. Le clocher-arcade n'est pas original  on le trouve partout où il y a de petites églises aux moyens limités, principalement dans la partie sud de la France.

Le clocher à peigne est plus typique. On le verra surtout dans le centre-sud et le sud-ouest de la France, en Aveyron, en Limousin; il est presque systématique en Lozère, etc. Dans le Mauriacois existent quelques beaux exemplaires à Antignac, Saint-Bonnet, Bassignac. Il est possible qu'il ait toujours représenté une solution temporaire dont la vocation était de disparaître au profit de "véritables" clochers, plus coûteux. C'est ainsi en tout cas que le dix-neuvième siècle très souvent l'a compris. Quoi qu'il en soit il contribue à donner à nos édifices cantaliens un air de famille très apprécié des photographes. Attention toutefois, il n'est en aucun cas un signe absolu de romanité. A Trémouille par exemple, en Artense cantalienne, on posa un clocher­peigne typique sur une église purement gothique construite entre 1568 et 1616. De même de nombreuses églises construites de toutes pièces au XIXe siècle arborent de tels clochers.  

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