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Lanobre

 

 

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L'église de Lanobre est l'un des plus beaux monuments de la région. Des thèmes religieux, fait quasi-unique dans le Cantal, ornent les chapiteaux.

 

 

L'église de Lanobre se trouve tout au nord ouest du département actuel, dans le dernier quartier sud de l'Artense. On a nommé ainsi cette région qui part au nord du massif du Sancy, descend au sud jusqu'à la Rhue, ancienne frontière naturelle, et à l'est touche le Cézallier. En réalité ce sont là des délimitations fort douteuses, et fort méconnues des gens du cru. Pays pauvre en tout cas, et parfois franchement sauvage. L'église, dédiée à saint-Jacques-le-Majeur, dépendait avant la Révolution de l'archiprêtré de Rochefort, unie depuis 1265 à Notre-Dame-Du-Port à Clermont. C'est donc depuis peu qu'elle est cantalienne, et cela se voit bien dans l'influence vraiment auvergnate qu'elle a reçue. Il y avait un château au milieu du bourg, comme en fait foi un acte de 1314.

L'ensemble constitue l'un des plus beaux monuments de notre région, par ses dimensions d'abord (29 m sur 11), par le bel agencement de ses éléments divers, presque tous romans, enfin et surtout par ses parties sculptées. Diverses restaurations eurent lieu au XIXe siècle. Une première campagne en 1852, date portée sur la façade, les autres consignées dans un gros dossier conservé aux Archives (5E 1066). Le clocher date de 1868. En 1887 on a démoli et refait le pignon ouest, dix contreforts de la nef et les voûtes des bas-côtés. En 1895, un rapport d'architecte indique que murs extérieurs et modillons sont pourris. On refit donc tous les parements, les corniches et l'archivolte à billettes des fenêtres, à l'ancienne. Les travaux prirent fin en 1900.  

 

 

 

Description générale


 

Nous entrons à l'ouest par un portail du XIIIe siècle. Il faut remarquer les belles pentures qui ornent les deux vantaux de bois. Deux contreforts encadrent la porte, et sur ces contreforts sont deux corbeaux qui servaient à supporter un porche amovible (Saignes, Vebret). Une nef médiane aveugle est flanquée de collatéraux, le tout fractionné en quatre travées par des doubleaux plein-cintre venant en renfort de la voûte en berceau (remontée). La croisée d'un transept non saillant débouche directement sur l'abside voûtée en cul-de-four. Les bas-côtés voûtés en quart de cercle viennent contrebuter la poussée de la voûte médiane à son départ, mais les doubleaux de ces collatéraux étant plein-cintre, une maçonnerie doit racheter la différence entre ceux-ci et la voûte. C'est un procédé qu'on a vu aussi à Anglards, Riom, etc., ainsi qu'à Besse en Basse-Auvergne. On notera d'autres points communs avec cette dernière. Deux rangées de cinq piliers carrés flanqués de colonnes engagées sur chaque face viennent soutenir tout cela. Les chapiteaux sont soit simplement épannelés, soit figurés de beaux motifs que nous détaillerons un peu parmi lesquels, c'est presque une exception, un certain nombre de motifs religieux.

 Une absidiole arrondie à l'intérieur, terminée en mur droit à l'extérieur, achève les collatéraux à l'est. La croisée est classiquement couverte d'une coupole montée sur trompes selon le vrai procédé auvergnat. Quatre piles la soutiennent, portant des arcs surmontés d'une maçonnerie les rattachant à la voûte. C'est encore une technique déjà vue, dont le mérite est multiple l'élévation de la coupole paraît supérieure, le clocher qui s'élève au dessus est mieux soutenu, enfin l'écartement des parties latérales est mieux assuré. Cela ressemble aux arcs diaphragmes de Basse-Auvergne, sous une forme plus rustique. Enfin l'abside s'offre à la vue; hémicirculaire, voûtée en cul-de-four, elle est décorée d'une série d'arcatures reposant sur colonnettes dégagées. Trois baies donnent du jour à l'ensemble.  

 

 

 

Les chapiteaux


Chemin faisant nous avons remarqué une belle collection de chapiteaux. Plus nous avançons vers le sanctuaire, plus leur décoration est soignée. Ainsi ils sont nus à la première travée. En partant de la droite nous avons :

- des quadrupèdes rieurs;

- des quadrupèdes affrontés, dont l'un est curieusement timbré d'une croix empruntée aux tissus d'orient. D'autres lions ainsi marqués se trouvent sur d'autres sculptures ailleurs en France, et sur un tissu Sassanide conservé au Mans.

- Un aigle, ailes déployées, enserrant un lapin ou un lièvre, comme à Besse. Il y a là peut-être une symbolique, le lapin représentant l'impureté, plus précisément la luxure, et l'aigle l'Esprit, ou I 'Église triomphante.

- Scène difficile à lire, avec un dragon attaqué par un guerrier muni d'une hache, sans doute saint Georges.

- Un clerc reçoit sa charge sous la forme d'une crosse. L'artiste a sûrement voulu le montrer à genou, mais il a plutôt l'air de danser.

- Dans l'absidiole sud, un petit singe cordé, moins connu que le grand mais intéressant : un personnage tire sur la corde à deux mains comme pour étrangler l'odieux primate; un autre est dans une pose un peu semblable mais ne paraît pas tenir une corde.  

Chapiteaux de la croisée :

- Colombes perdues dans la végétation. Les colombes représentent généralement quelque chose de positif, souvent l'Église, mais ici elles paraissent purement décoratives.

- Quadrupède acrobate, écrasant d'une patte un petit dragon ; à coté un aigle.

- Scène difficile à lire, avec deux grands personnages aux angles et un plus petit au centre, interprétée parfois comme l'annonce faite aux bergers : le personnage de gauche en effet tient un bâton Il y aurait un serpent perdu dans le tableau (?).

 - Singe cordé et porteur d'âne : c'est le chapiteau le plus célèbre de Lanobre, et aussi le plus discuté. Le singe relève du genre anthropoïde, c'est-à-dire à mi-chemin du singe et de l'homme. Son visage est strié; il est comme assis sur une large feuille ou une palme, les deux mains posées sur les genoux, posture classique des singes de Basse-Auvergne (Mozac, Pont-du-Château, Besse. . .). Il est assez effrayant. Sur la face adjacente un personnage porte non un mouton, ce qui rappellerait quelque chose, mais un âne à longue queue qu'une petite main agrippe.

Un autre personnage tient aussi une sorte de hache. Cela ressemble encore à une scène qu'on trouve à Besse où l'âne est un boeuf. Nous avons rappelé en introduction les différentes hypothèses explicatives concernant le thème classique en Auvergne du singe cordé, et nous avons dit pourquoi l'explication symbolique n'est jamais à exclure, surtout quand nous avons affaire comme ici à un anthropoïde plus qu'à un singe sculpté de manière réaliste, et ici le "singe" a vraiment tout d'un démon que l'homme vient de mater à peu près. On peut en ce sens considérer qu'il y a un lien entre les deux scènes de ce chapiteau, singe et porteur d'âne. Ce dernier est probablement une figure du sacrificateur païen, peut-être donc animé par le démon que le christianisme tient enfin en laisse. Tout cela bien sûr reste aventureux, et les deux scènes pourraient aussi bien être des tableaux distincts.  

-   Une Annonciation, ange Gabriel et Marie, et sur une autre face la Nativité, Marie allongée, Joseph assis et en haut Jésus dans un berceau. Cette dernière scène se retrouve, presque identique, à Auzon. Mais ici il n'y a ni âne ni bœuf. De l'autre côté du même chapiteau est un ange debout portant un étendard. Il faut donc lire l'ensemble de gauche à droite : arrivée de l'Envoyé céleste, Annonce et Nativité. Les trois scènes sont évidemment reliées.

- Deux griffons affrontés, thème très classique qu'on retrouve sur une vingtaine de chapiteaux dans la région, et deux fois ici.

- Deux sirènes bicaudales, thème archiclassique encore, ici les queues entrecroisées au centre de la corbeille et terminées en feuillage.  

 

-  Le châtiment de l'avare, assis, la bourse au cou. Un diable hideux, doté de deux petites ailes, le saisit par le bras tandis qu'un autre démon malheureusement aux trois-quarts effacé s'empare de la bourse. Le supplicié qui en enfer encore cherche à conserver son misérable bien, s'accroche désespérément à ses quelques sous. Deux tentacules (serpents?) l'attaquent par en haut. Remarquez encore un troisième démon à tête de fennec, qui ne semble pas avoir de corps. La scène, dès l'origine, est un peu chaotique. Quoi qu'il en soit nous sommes rassurés  il y a une justice, et les méchants sont punis. C'est ce qu'exprime un autre chapiteau plus loin.

 

- En face : Jésus, reconnaissable à son auréole crucifère, donne les clefs à saint Pierre et la Loi à saint Paul, comme une inscription nous en prévient. Les poses sont figées.

- Dans l'absidiole nord un personnage perdu dans les feuillages lève les mains. Personne pourtant ne le met en joue. Ces masques perdus dans les feuillages sont une reprise d'un motif romain, très fréquente en Basse-Auvergne.

- Au bas-côté nord, un homme debout dans la végétation lève aussi les bras au ciel, tenant quelque chose dans chaque main, branches ou peut-être serpents cherchant à lui nuire.

- Un autre est dans la même situation, mais on ne voit de lui que le tronc et les serpents sont plus reconnaissables avec leur large gueule ouverte. Il y a encore dans le même genre une autre tête étrange aux longues oreilles ou à cornes, attaquée aussi par de vilains serpents. Le serpent. rappelons-le est toujours mauvais, soit qu'il seconde le diable aux enfers, soit qu'il souffle aux oreilles des hommes des pensées malsaines, les entraînant alors sur le chemin de la perdition.

- Tout cela sera jugé et pesé sur la balance; le chapiteau suivant nous en prévient. Un ange tient la balance sur l'un des plateaux de laquelle appuie un personnage grossièrement taillé. Sur le dos de ce dernier est une sorte de démon à peu près illisible. C'est saint Michel aux prises avec le diable, comme au tympan d'Autun ou de Conques, et sur un chapiteau du choeur de Brive en Corrèze.

 

 

Conclusion


 

Voilà pour l'essentiel. La sculpture de Lanobre se caractérise par son faible relief, d'où son usure précoce rendant certaines scènes peu lisibles. L'influence de la Basse-Auvergne est prépondérante et même exclusive. Tout ceci est très instructif, car nous avons là une série unique dans le Cantal, où les thèmes religieux tiennent toute leur place. Difficile cependant de parler de programme iconographique, c'est-à-dire que les scènes ne s'appellent ni ne se répondent forcément, même s'il est toujours possible de lier tout avec tout. A quoi attribuer cette particularité régionale? Il est envisageable d'y voir une influence diocésaine plus marquée. En tout cas le maître d’œuvre de Lanobre avait une conscience  religieuse  plus  profonde qu'ailleurs.

Terminons la visite par un coup d’œil sur l'extérieur. L'abside arrondie correspond à un chevet heptagonal, ce qui n'est pas exceptionnel mais peu courant. Les deux absidioles se présentent alors en simples murs droits. La corniche est décorée d'un damier récent, de même que la quasi-totalité des modillons ici uniformément à copeaux, de même encore que le cordon de billettes qui court autour du chevet, formant sourcil au-dessus des baies.

D'autres modillons également récents soutiennent les corniches de la nef; certains sont intéressants, ainsi ce personnage filiforme à grosse tête, ici en deux exemplaires, et qu'on retrouve dans sa version ancienne à Dienne. Il faut citer aussi une tête étrange coiffée d'un casque, un singe à quatre pattes, un démon cornu qui porte au cou une croix (!), un dragon genre tyrannosaure attaquant un petit bonhomme.

 

 

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