Bromme,
à quelques tout petits kilomètres de Raulhac, est aujourd’hui de l’autre
côté de la “ frontière ”, en Aveyron. Nous
sommes pourtant encore en Carladez
et l’église, on va le voir, est une sœur de Raulhac et de
Saint-Etienne-de-Carlat. Saige et Dienne nous apprennent que Gilbert Ier
de Carlat donna au prêtre Deusde un alleu, en 930, que ce dernier offrit
à Conques. L’église de Brocme est citée en 1266. En 1261
Géraud de Montjou était seigneur de Bromme.
L'intérieur
L’édifice
roman que nous avons sous les yeux est incontestablement le
mieux conservé de la région, et aussi le moins
bouleversé par les adjonctions postérieures. Fait presque unique, il n’y
a pas de chapelles latérales. Le
portail Sud ouvre sur une nef de trois travées séparées
par de larges doubleaux légèrement brisés. Un arc triomphal massif,
surmonté d’un tympan rejoignant la voûte, ouvre sur le chœur
qui lui-même donne sur l’abside semi-circulaire voûtée
en cul-de-four. Les trois arcs de la nef et l’arc triomphal sont portés
par des pilastres ; le décrochement du cul-de-four, dans l’abside,
repose sur deux colonnes à chapiteaux et bases ornés. Les baies de la
nef et du chœur donnent au midi. L’abside reçoit le jour par trois
fenêtres symétriques, celle du Sud toutefois étant plus large. C’est
que le confort, comme on voit, passe avant la symétrie.
Toutes les voûtes, y compris celle de la nef, sont en pierres
soigneusement appareillées et, cas exceptionnel encore, d’époque
romane. Entrer dans l’église de Bromme c’est donc découvrir, à peu
de choses près, l’édifice originel.
Portail
et chapiteaux
Examinons le portail, nous verrons qu’il est
typiquement carladésien. Trois boudins retombent sur six colonnes à
chapiteaux par le biais d’un bandeau continu, le tout inscrit dans une
archivolte décorée d’un damier à deux rangs de billettes et de petits
éléments saillants en forme de têtes. Un masque humain somme l’ensemble.
C’est à peu près ce qu’on verra à Saint-Etienne, Jou
et Raulhac. Très typiques du Carladez sont aussi ces décorations de
chevrons et de motifs géométriques divers (carrés, étoiles, etc.) sur
le tailloir des chapiteaux recevant la retombée des voussures. Tout aussi
typiques encore sont les chapiteaux,
moins travaillés qu’à Raulhac mais du même style, et sans doute du
même ciseau. A droite, en partant de la porte, nous avons d’abord un
masque humain, puis des feuilles disposées verticalement encadrant un
motif en “ V ”, enfin une face humaine dotée d’une très
longue et très fine barbe torsadée à deux pointes (le même motif orne
la corbeille du second chapiteau de l’ébrasement gauche du portail de
Raulhac). Sur l’autre face sont deux boules enserrées dans une sorte de
filet (Raulhac, Saint-Etienne…). A gauche, toujours en partant de la
porte, on verra une petite tête humaine puis des boules dans un filet,
enfin une tête comme étranglée par un câble. Quelques astragales sont
en outre taillés en forme de torsade.
Nous retrouvons ce chapiteau des boules prises dans un filet,
typique du Carladez, sur l’arc séparant chœur et abside. Le
chapiteau de gauche présente en outre un dragon à longue queue doté de
petites ailes et de deux pattes. Les bases des colonnes s’ornent d’une
torsade. Les bandeaux de l’arc triomphal, enfin, présentent à droite
de petites têtes et des boules.
L'extérieur
Il faut faire maintenant le tour de l’édifice. Le presbytère à
l’Ouest est collé au pignon. Un clocher-peigne
s’élève au-dessus de l’arc triomphal. Le chevet est à
trois pans épaulé aux quatre angles par des contreforts s’arrêtant
sous la corniche, laquelle présente
des motifs saillants circulaires enserrant des croix, étoiles, spirales,
exactement comme à Jussac. Les modillons
sont parmi les plus beaux de la région. Dans le désordre : une main
tenant un rouleau (Marmanhac, près Jussac justement) ; une vache
stylisée tirant la langue ; un bélier souriant aux cornes
agressives ; une tête de monstre qui avec ses pattes avant s’ouvre
grand la gueule et présente une belle collection de dents, dans le but
évident de faire peur aux enfants.
Un personnage peu clair, ou extrêmement schématique, soutenant la
corniche de ses deux bras ; un visage d’homme aux cheveux
perlés ; un autre monstre au visage strié tirant la
langue ; une face humaine aux cheveux et à la barbe perlés, qui
évoque irrésistiblement l’art assyrien (coïncidence, sans
doute !). Sur la face Est du chevet on verra encore une palmette
et à côté deux très beaux aigles
sur un perchoir, becs collés au-dessus d’une petite colonne,
écrasant d’une patte une minuscule tête monstrueuse (Mur-de-Barrez). |
On a déjà eu l’occasion de le constater en Mauriacois, où les
modillons abondent : l’extériorité des corniches ne préjuge pas
des thèmes sculptés, et il y a ici comme ailleurs des symboles négatifs
(monstres qui s’amusent à faire peur) comme positifs (ce que sont le plus
souvent les aigles et les atlantes) ou encore tout à fait neutres (faces
humaines, avec ou sans barbe).
L’église de Bromme vient donc confirmer l’existence, au XIIe
siècle probablement, à en juger par le raffinement des modillons, d’une
véritable école de sculpture en Carladez, qui s’exporta à
Jussac et Marmanhac. L’atelier qui produisit les modillons de Bromme est
toutefois bien différent de celui qui sculpta le portail et les chapiteaux
intérieurs, d’un style nettement plus pauvre et rustique.
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