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Saignes

 

L'église de Saignes se signale à notre attention par l'originalité de ses sculptures, qui sont l'oeuvre de plusieurs ciseaux.

 

 

 

 

 

Historique


 

L'église de Saignes est actuellement sous le vocable de Sainte-Croix, anciennement Saint-André. Grâce aux recherches du docteur de Ribier nous connaissons bien l'histoire de la comptoirie de Saignes, dont la justice s'étendait sur Champagnac, Chastel, Ydes, Auzers, mais aussi sur des villages des paroisses de Menet et Trizac. Le premier comptour incontestable est Odon de Saignes, en 1187. D'autres Saignes sont mentionnés ici et là : un Pierre de Saignes fut archiprêtre de Mauriac de 1109 à 1114; un Adalbert de Saignes, au tout début du XIe siècle, participa au “ vol ” des reliques de saint Mary. Il faut citer également Ebles de Saignes, troubadour, “ dont les chansons donnaient  mal  aux  dents ”  selon  Pierre d'Auvergne. Il le dit aussi vilanet e fa/s pages, vilain et faux page! Dès 1262 les La Tour de Basse-Auvergne avaient la propriété directe du château de Saignes. L'église fut dotée en 1270 par Bernard de La Tour. En 1794 le clocher fut rasé à hauteur de la toiture de la nef et l'église devint un temps “ Temple de la Raison ” puis atelier de salpêtre, ce qui sans doute devait rapporter davantage. Le clocher fut refait en 1850 puis surélevé d'un peu moins de trois mètres en 1900. De cette dernière grande restauration datent aussi les modillons de la nef, de style roman. Ils sont de bonne facture mais il est dommage qu'on ait choisi, sans doute par un motif de moindre dureté, une pierre trop blanche qui jure sur la pierre volcanique. En 1900 encore on suréleva la façade, on refit les voûtes en briques et on sculpta les deux premiers chapiteaux en entrant (aigles et lions dos à dos).

A l'origine l'édifice était un simple parallélépipède terminé à l'est par un choeur et une abside circulaire. Au XVIIe on flanqua l'ensemble de deux chapelles latérales (1624 et 1637). La façade ouest est décorée d'une arcade formant portail et de deux demi-arcades de chaque côté. Cela rappelle Mauriac et Jaleyrac. Ces arcades retombent sur deux colonnes encadrant la porte dont les chapiteaux sont ornés de palmettes et feuillages. Le chapiteau de gauche présente en outre, sur chaque face latérale, un quadrupède contorsionniste,  motif  typique de  la zone. Remarquez encore à droite une petite tête à l'angle supérieur droit de la corbeille. Deux corbeaux devaient servir à soutenir un porche amovible, comme à Vebret et Lanobre.

 

 

 

 

Les chapiteaux


 

Tous les chapiteaux sont intéressants, bien qu'assez énigmatiques parfois. Dans le sens de la marche on trouve d'abord au nord un agneau pascal, un sur chaque face de la corbeille. Le sculpteur n'a pas tenu compte de la moindre surface offerte par les faces latérales et il a simplement coupé son motif. 

Au sud est une femme maintenant deux grosses branches terminées en feuillages sur sa poitrine. C'est selon Quarré la déesse de la végétation reprise ici peut-être dans un sens purement décoratif. Là encore le sculpteur répète le motif trois fois sans s’inquiéter de sa répartition dans l'espace disponible. Une autre interprétation est possible : les branches deviennent les queues de serpents et l'ensemble symbolise la luxure.

Le motif n'est pas toujours très lisible, mais il y a comme des têtes de dragon, dans les angles supérieurs, qui crachent de la fumée sur le personnage. Les bestiaires signalent un serpent, le prester, qui souffle de la vapeur et fait enfler sa victime. La femme (ou l'homme, peu importe dès lors) nourrit ses passions. Même thème à Riom. Les seins dans un cas représentent la vie et dans l'autre l'amour désordonné de la corporalité. Cette ambiguïté est constante dans l'iconographie médiévale.  

On trouve ensuite des griffons affrontés à un angle, montés sur un entrelacs (Sauvat, Bassignac), puis une végétation naissant d'un arbre en “ Y ” qu'on retrouve souvent dans la sculpture romane (à Mozac et Ennezat en Auvergne, par exemple, et plus près de nous, à Champagnac). Il y aurait dans cette forme un symbole  le tronc représente l'unité; les deux branches qui forment le 'Y" symbolisent le choix entre le bien et le mal, ou l'idée de choix tout court, de liberté. Un motif qui se répète souvent doit sans doute avoir un sens, et la forme du "Y" représente assez spontanément le concept de liberté. C'est ainsi que Bergson fera exactement le même dessin quand il voudra représenter graphiquement le problème philosophique de la liberté, en assurant d'ailleurs que c'est une mauvaise façon de poser le problème (Les données immédiates de la conscience). Une gravure du XVIIIe siècle représente le libre arbitre par un jeune homme tenant en équilibre un sceptre terminé en haut par un "Y", qu'on regarde, dit l'auteur de l'image, "d'après une sentence de Pythagore, comme l'emblème des deux voies que l'homme peut suivre, la voie du Bien et la voie du Mal". (Cuvillier, Manuel de philosophie, t. I, fig. 85, Colin, 1939). Le sculpteur de Saignes avait-il tout cela à l'esprit face à son bloc de pierre? Il est impossible de l’affirmer. Un chapiteau de Champagnac cependant, qui reprend le même motif et qui est de la même main, montre en outre, sur le tailloir, d'un côté un ange et de l'autre quelque chose qui ressemble à un serpent : apparemment, donc, le Bien et le Mal.

Le tailloir du chapiteau de Saignes est orné de motifs encore moins clairs : ce sont des têtes d'où sortent des fils qui les relient à de grosses fleurs. Souvent ce qui sort d'une bouche représente graphiquement la parole. Pris à la lettre, cela nous donne la formule poétique  "leurs paroles sont des fleurs". C'est pour le moins ésotérique! On trouve au porche de Leyvaux des têtes reliées aussi à des fleurs par des fils sortant de la bouche (comme ailleurs). Admettons donc qu'il est probable que cela ait une signification. D'autre part on peut voir au porche de Polminhac de petites têtes intercalées entre des fleurs qui, mis à part les fils, ont toutes ressemblances avec le motif de Saignes. Hélas, le sens de tout ceci nous dépasse. Une autre face du tailloir vient encore tout compliquer. On y voit un personnage allongé tenant sous la tête une sorte d'outil courbé (?). Serait-ce un coupeur de tête qui s'amuse à faire des colliers? Faut-il vraiment chercher une signification ?  

En face, un autre chapiteau énigmatique un lion à tête de reptile pose une patte sur des feuillages occupant le centre de la corbeille. De l'autre côté un aigle vient de saisir un quadrupède (agneau?). Le tailloir est orné également.

 

 Côté nef c'est une représentation de l'avare, ici réduit à la tête. Une bourse est accrochée à son cou et un serpent la tire à lui, étranglant le misérable. C'est une représentation originale et forte d'un thème classique en Auvergne. Le mauvais serpent tient là le rôle du vengeur.

 

Côté choeur, scène étrange où l'on voit un ange voler à tire d'aile vers un personnage, bras levés, à moitié englouti dans la gueule d'un monstre. Selon Quarré : Jonas sortant de la gueule de la baleine; selon Bréhier : ange nourrissant Daniel dans la fosse aux lions; selon Rochemonteix : monstre dévorant un enfant qu'un ange essaie de protéger ; selon Porcher et Saunier : illustration de la Première épître de Saint Pierre, et préfiguration du supplice de l'avare. Si en effet, comme nous le pensons, il faut lier ce motif à celui de l'avare, que vient faire l'ange dans la mêlée?

 Tente-t-il, miséricordieux, de sauver le pingre ? A bien y regarder on constate que la main de l'ange est une main bénissante, deux doigts pointés seulement, les autres recourbés comme la main de Dieu à Trizac (chapiteau des donateurs). Mais cela n'éclaire pas tout, au contraire. Ces derniers chapiteaux sortent du ciseau qui orna Champagnac. On retrouve là-bas l'arbre en “ Y ” et des anges exactement sem­blables à celui de Saignes. On sait même, par une signature, qui en est l'auteur (voyez la notice consacrée à Champagnac).

Trois fenêtres limousines éclairent l'abside, décorées de palmettes, d'entrelacs. Les chapiteaux de la fenêtre axiale Sont plus travaillés : deux griffons affrontés collés dans l'angle par la tête; deux quadrupèdes pattes avant jointes dans l'angle, têtes renversées.

Il faut signaler quelques bases ornées : il y a des fleurs inscrites dans des cercles, comme à la chapelle de Saignes et à Vebret; une frise d'animaux symétriques se mordant la queue, Séparés par une croix au centre et des motifs d'as de pique, un peu comme à Chastel Marlhac; enfin des serpents ailés qui s'affrontent, sortant d'une gueule monstrueuse.  

 

 

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