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Les thèmes moraux

 

 

Les sculpteurs cantaliens se sont sentis plus à l’aise dans la prédication morale christianisante que dans l’illustration pure de la Bible. C’est un point sur lequel on n’a pas assez insisté, peut-être parce qu’on est trop parti du principe, qui est un préjugé, que les églises rurales ne sauraient contenir de messages à caractère intellectuel. Quelques exemples permettront de montrer qu’il n’en est rien.  

 

 

La luxure  


 

Les représentations du corps humain, ou plus précisément des parties sexuelles de l’homme, sont fort nombreuses. Les modillons du Mauriacois, notamment, présentent parfois des scènes à la limite du pornographique, et d’autres qui franchissent les limites. 

La femme de Jaleyrac, qu’on retrouvera à peu près semblable à Saint-Vincent ou Mauriac, par exemple, fait vraiment tout ce qu’elle peut pour nous montrer ce que d’habitude on tend à cacher.  La difficulté consiste à savoir s’il s’agit d’une condamnation de la luxure ou plus simplement d’une marque d’humour “ gaulois ” Il me semble que dans le cas du modillon de Jaleyrac et de ses cousins de Mauriac, Saint-Vincent, Anglards-de-Salers, etc., rien ne vient indiquer le caractère infamant de la nudité et de la sexualité..

    En outre, l’hypothèse selon laquelle les modillons stigmatisent par définition les péchés, étant hors de l’église, peut sembler exagérée. On trouve à l’intérieur de l’église des représentations du péché (l’avarice par exemple), et aussi bien, à l’extérieur de l’église, des représentations de la vertu (Samson et le lion, aigles royaux, etc.).

  Un modillon de Moussages vient cependant confirmer l’aspect moral de maintes représentations. Il s’agit d’une variante autour d’un thème fréquent en Mauriacois, celui du personnage portant sur son dos un monstre qui lui grignote le haut du crâne. A Moussages les personnages ainsi grignotés sont deux, enlacés, et représentent certainement un couple illégitime en pleine action. Mais il y a cette fois-ci, au-dessus, le symbole clair de la condamnation. Par interpolation on peut estimer que tous les personnages “ croqués ” de cette manière (Mauriac, Saignes, Champagnac, Jailhac, Le Falgoux…), sont en fait des pécheurs rongés par le poids de leurs péchés, et l’aspect moral de ces motifs peut être retenu.

Les amants maudits de Moussages

   

 

 

 

Le mangeur de pain de Saint-Bonnet-de-Salers  


 

Variante intéressante de la condamnation de la luxure, voici un gourmand qui, en plus, porte sa main aux parties. Message peu clair tant qu’on ignore qu’à l’époque qui nous occupe le rapprochement entre la gourmandise et la sexualité débridée constitue un classique de la théologie morale. De la chère, pensait-on, s’ensuit inévitablement la chair ; un péché entraîne l’autre. Le sculpteur de Saint-Bonnet, en un raccourci saisissant, nous fait entrevoir ce rapprochement pour nous inhabituel et pourtant assez évident. Dans les deux cas il s’agit d’un souci excessif du corps au détriment de l’esprit, non que le corps soit mauvais (Jésus avait un corps), mais parce qu’à trop le soigner on néglige son âme.  

 

 

 

 

La Chute et le Rachat  


 

Un petit chapiteau de Reilhac, non loin d’Aurillac, semble proposer une solution au problème de la luxure, mais nous oblige à interpréter plus peut-être qu’il ne faudrait.

Nous voyons sur une face un personnage nu cachant de ses mains les parties honteuses. C’est la Chute, qui comme on sait fit perdre à nos premiers parents leur innocence originelle. Le deuxième face du chapiteau présente l’image classique de l’atlante, personnage qui, les bras tendus, soutient l’élément d’architecture qui le surplombe, ici le tailloir du chapiteau. Les atlantes sont souvent de pures figures de style, d’ailleurs presque mathématiquement impliquées par le caractère architectonique de la sculpture romane. Mais n’est-il pas permis ici d’y voir davantage ? A côté de la Chute, n’est-il pas assez logique de voir figurer le Rachat ? De même que l’atlante, en effet, soutient physiquement l’église (en tant qu’édifice), de même le chrétien doit-il soutenir l’Eglise (en tant qu’institution), et pourra par là, à son tour, trouver le soutien nécessaire à sa rédemption.  

  Ce serait une leçon intéressante, même si l’interprétation reste aventurée.  

 

 

 

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