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Les thèmes moraux (fin)
 

 

Le singe cordé  


   Le thème du singe cordé, très apprécié encore des auvergnats, nous introduit à une controverse fameuse qui n’est pas près de trouver sa solution. Impossible ici  de reprendre l’ensemble du débat, disons seulement ce que montrent les chapiteaux et ce qui prête à discussion.

  On appelle singes cordés ces figures de singes tenus en laisse par des hommes (Lanobre, deux exemplaires ; Menet ; Riom ; Saint-Amandin ; Dienne). La difficulté est de savoir s’il s’agit d’une figure allégorique ou anecdotique, c’est-à-dire soit l’homme dominant sa propre bestialité et la tenant en laisse, soit plus simplement des montreurs de singes, des bateleurs, comme il en existait à l’époque. Les nombreuses représentations du combat de l’homme contre la bête tendent à fortifier la première interprétation, mais d’autres indices plaident en faveur de la seconde. 

A Dienne par exemple nous voyons d’un côté le singe et de l’autre un personnage en jupette tenant d’une main la chaîne, de l’autre un pipeau et un tambourin. A Menet, l’ensemble du décor sculpté est consacré au thème de la danse et de la récitation, de même qu’à Saint-Amandin (où l’on retrouve du reste le même sculpteur). Ce sont les singes de Lanobre qui offrent le plus de garanties à l’hypothèse symboliste, et notamment celui du grand chapiteau de la croisée, avec d’un côté le singe, de l’autre un porteur d’animal qui peut être un sacrificateur païen, bref un emblème du “ vieil homme ”, l’homme-singe qu’il s’agit de dépasser ou de dominer.

  Une chose reste certaine, c’est la fascination exercée par le singe, de foire ou non, sur les esprits romans. Rien d’étonnant à cela si l’on songe que le singe, en réalité, n’a jamais cessé de fasciner , et encore aujourd’hui nos esprits modernes. Voyez les mythes très actuels de King Kong, Tarzan, du Yéti alias Big Foot, etc., et tous les efforts que des scientifiques réputés développent pour faire parler les singes ! C’est que le singe nous ressemble étrangement, et nous rappelle notre appartenance animale. Il serait étonnant que les sculpteurs romans aient manqué cet aspect de leur motif.    

 

Le singe de Lanobre

 

 

 

 

 

La domination de la bête


  

Quoi qu’il en soit du thème du singe cordé, la domination sur nous de la bête, qu’il faut savoir renverser, est une préoccupation constante des prédicateurs-sculpteurs qui font le sujet de notre étude. A preuve ce remarquable modillon de Saignes, à ma connaissance tout à fait ignoré jusque là, et qui montre de manière saisissante comment le masque humain camoufle une bête qui ne demande qu’à se révéler. “ Masque humain ”, on le voit, est à prendre ici au sens littéral. L’animal soulève son masque à l’aide de ses pattes antérieures. Le souci didactique est ici indéniable.  

 

   

 

 

 

La Nature féconde, ou le règne des passions


 

   L’art des Anciens avait développé le thème de la Mère nourricière abreuvant la Nature de son lait. L’art chrétien de l’époque romane, resté en contact avec d’anciennes figurations de ce type, reprend le thème et le transforme probablement dans un sens moral. Cela nous vaut les motifs de Saignes, Malbo et Vic.

  Ces trois variantes montre une femme, poitrine ouverte, nourrissant qui des serpents, qui des quadrupèdes, qui des branches (Saignes) ou plus probablement d’autres serpents. Le motif de Saignes est le plus complexe : la femme, informe et boursouflée, maintient fermement au niveau de ses seins les queues de deux serpents-dragons aux becs crochus qui, par ailleurs, vomissent une épaisse fumée. C’est probablement le Prester des bestiaires d’époque, qui souffle de la vapeur et fait enfler sa victime. La poitrine devient alors symbole de concupiscence, d’un souci exclusif et condamnable de la volupté corporelle. Il est plus difficile de reconnaître une transformation chrétienne dans les figurines de Malbo ou de Vic, restées proches du modèle païen. Peut-on supposer ici un reste d’anciennes croyances ? Après tout, notre époque prétendument rationaliste voit bien renaître, sous les oripeaux du New Age, le mythe antique de Gaïa !

                   Saignes

Malbo

 

 

 

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